La Liberté

Morat-Fribourg, des pieds à la tête

Michel Simonet est un habitué du Morat - Fribourg, et ce depuis l'âge de huit ans. Dans un superbe texte, notre chroniqueur invite les 13'000 membres du peloton à courir dimanche en se souvenant un peu du passé.

«Morat - Fribourg est bien plus qu'une bataille contre soi-même», insiste Michel Simonet. © Keystone
«Morat - Fribourg est bien plus qu'une bataille contre soi-même», insiste Michel Simonet. © Keystone

Michel Simonet

Publié le 29.09.2016

J’ai parcouru mon premier Morat-Fribourg à l’âge de huit ans. Dans un camion déménageur. Voilà donc bien des années que je fais partie des meubles en ma ville capitale. J’ai toutefois plaisir à retrouver Morat, surtout le premier dimanche d’octobre, pour pratiquer cette course qui fait le lien entre deux cités des Zaehringen qui n’ont pas toujours été en bons termes.

J’aime le trajet en train qui m’y mène, debout tout d’abord avant l’effort dans un compartiment bondé de sportifs de tous âges et de tous niveaux. C’est comme un retour aux sources avant d’affronter les dix-sept kilomètres en direction de ce Tilleul qui a également effectué, en son temps, le même voyage que nous tous. Je commémore autant que je cours, donc, et mesure avec respect les 540 ans qui me séparent de 1476.

J’aimerais faire une proposition pour cette année: soyons à la fois témoin du passé et compétiteur. Laissons un peu de côté le chronomètre, reléguons le classement à des considérations secondaires, occupons-nous moins du vêtement high-tech et de la chaussure légère. Vivons autrement cette épreuve qui est bien plus qu’une bataille contre nous-mêmes en nous en souvenant ensemble. Et c’est justement ce que le verbe «commémorer» veut dire.

De ces remparts médiévaux intacts, contre lesquels Charles le Téméraire n’avait rien pu faire, nous sortirons alors vifs et joyeux, un rameau tiliacé sinon à la main, du moins en tête, pressés d’arriver à Fribourg.

Nous nous heurterons vers Courgevaux à des soldats bourguignons lourdement équipés et courant paniqués de la colline en surplomb, chaussés de solerets en fer en sens inverse et sans Converse vers leur futur ossuaire, poursuivis et bientôt rattrapés par de véloces Confédérés munis de hallebardes et de morgensterns, portant aux pieds les Nike de la victoire.

Puis nous parviendrons en cette étrange région du Haut-Lac où les langues se croisent et se mélangent. On parle en effet majoritairement allemand à Courlevon et français à Wallenried, et pas loin déjà de la mi-parcours, fief de la Migros qui ravitaille pour la suite difficile.

Le lac de Morat n’est plus qu’un souvenir à Pensier et le district de la Sarine montre qu’il se mérite. Il nous prend en nage avec hauteur et chaleur, de la Sonnaz jusqu’à Granges-Paccot, au bord du ruisseau du Lavapesson. On y rattrapera alors les pêcheurs partis de nuit, bien avant nous, depuis les lacs du Seeland. Et qui, comme le nom patois de ce ruisseau l’indique, lavaient leurs poissons – perches, truites, anguilles, brochets – pour les rendre plus présentables au Marché aux poissons de Fribourg, devant lequel nous passerons bientôt.

Ce dernier est situé après la porte de Morat, au bas de la rue de Morat – décidément le point de départ nous colle aux baskets jusqu’à la fin – et fait miroiter le but ultime. Il sera alors permis et même conseillé de cesser de commémorer activement la tragique arrivée par arrêt cardiaque du messager de 1476.

Sportifs de ce dimanche, vivez une belle histoire!

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