La Liberté

La fosse marine des êtres et des valeurs

Louis Ruffieux

Publié le 21.04.2015

Temps de lecture estimé : 2 minutes

A Luxembourg, les ministres européens des Affaires étrangères ont respecté hier une minute de silence en mémoire des centaines de victimes du naufrage qui a eu lieu ce week-end au large de la Libye. Mais c’est surtout du bruit et de l’action que requièrent, en urgence, les tragédies méditerranéennes à répétition. Hier encore, l’Organisation internationale pour les migrations annonçait un autre naufrage, et donc des centaines de nouvelles victimes potentielles.

La guerre en Syrie, les impasses libyennes et les furieuses croisades des organisations islamistes terroristes ne laissent guère l’espoir d’une embellie prochaine sur le front des migrations clandestines. Des réseaux mafieux de passeurs s’enrichissent en faisant miroiter à des milliers de miséreux un avenir européen radieux; celles et ceux qui échappent au cimetière marin débarquent dans une Italie submergée et terriblement seule face à la vague humaine. L’Union européenne n’a jusqu’ici pas été capable de développer une politique commune sur cette question délicate et peu porteuse électoralement parlant.

Même en répartissant mieux les réfugiés, il ne sera pas possible de tous les accueillir. C’est sur place qu’il faudra aussi agir. Et vite, car l’impuissance, voire l’indifférence officielle qui ont prévalu jusqu’ici à Bruxelles n’apaisent pas l’hostilité croissante à l’égard des migrants. Au contraire, ce rejet, qui se manifeste un peu partout avec virulence, se nourrit du pourrissement de la situation.

Il se dit, sur ces «envahisseurs», des horreurs qui rendent angélique le racisme ordinaire d’un Raspail dans le «Camp des Saints». Sur des sites dits d’information, dans les poubelles des réseaux sociaux, s’écoulent des torrents de haine où l’on cherchera en vain une goutte d’humanité. Fosse commune d’êtres en quête de mieux vivre, la Méditerranée devient aussi la tombe de valeurs, comme la dignité de l’homme, que l’on croyait admises sous nos latitudes. Il faut déchanter: nous régressons.


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