La Liberté

Un épicurien curieux de tout

Pierre-Etienne Joye, journaliste et chroniqueur, vient de publier L’eau à la bouche, une balade culinaire.

Pierre-Etienne Joye, animé d'une grande curiosité littéraire et culinaire, apprécie le côté authentique des plats du terroir, et des gens qui le font. ©Alain Wicht
Pierre-Etienne Joye, animé d'une grande curiosité littéraire et culinaire, apprécie le côté authentique des plats du terroir, et des gens qui le font. ©Alain Wicht

Nicole Rüttimann

Publié le 14.01.2023

Temps de lecture estimé : 9 minutes

Cuisine » «Laissez parler vos instincts en cuisine et, si possible, dans la vie en général», encourage-t-il. Un curieux épicurien ou un épicurien curieux, ainsi pourrait-on qualifier Pierre-Etienne Joye. Le journaliste, passionné de cuisine dans toute son histoire, vient de publier L’eau à la bouche, son premier ouvrage. Il compile 10 ans de pages culinaires à La Gruyère et de chroniques pour la RTS. Une «balade culinaire dans les saisons d’une terre de tradition», dit le sous-titre. Et l’occasion de découvrir un pan de plus de sa personnalité.

«Mon but: faire plaisir avec des plats émotionnels, souvenirs d’enfance, de voyage, d’agapes entre amis.» 
Pierre-Etienne Joye

Féru d’histoire, l’homme adore en lire, et en raconter. A la radio et aux fourneaux. Son ouvrage n’est d’ailleurs pas un livre de recettes, même s’il en contient, mais plutôt une invitation à l’évasion au travers de l’évolution de la cuisine et des produits, et au fil d’anecdotes vécues autour de plats signatures qui parlent aux amateurs. «Car les plats sont émotionnels: souvenirs d’enfance, de voyages, d’agapes entre amis.»
Et ce conteur-là aime la vérité. Animé dès l’enfance d’une insatiable curiosité, il poursuit sa quête du Graal: celle de l’authentique, en cuisine, comme dans les relations humaines; amoureux du terroir et de ceux qui le font. Pourtant, le déclic culinaire lui vient tard…

La curiosité pour moteur

Pierre-Etienne naît à Fribourg. L’aîné de la fratrie, de nature posée, le restera. Il est aussi «un peu dans la lune». Une façon peut-être de s’évader, entre un père médecin – dont le grand-père a fondé l’Hôpital de Riaz – et une mère institutrice. La famille rallie bientôt Broc, après des années passées à Genève. Grand lecteur, Pierre-Etienne voyage déjà par ce biais. Sans s’imaginer que cet intérêt constituera bientôt l’essence de sa profession.

Tenté de poursuivre la tradition, il entame un semestre en médecine à l’Université de Fribourg, puis bifurque en lettres. C’est par là, soit sa contribution au magazine de l’université, qu’il arrive au journalisme. «Cela m’a pris!» relate-t-il. Dès 1993, il collabore à La Gruyère, fait des comptes rendus de concerts, lui-même musicien, formé à la flûte traversière au conservatoire. Une fibre artistique qu’il nourrit aussi en tant qu’acteur amateur au Théâtre de la Cité, à Fribourg. Dans ce cadre, il entend parler de radio, ce qui le mène à Radio Lac, à Genève, où il finit son stage RP en 1997. Il y apprécie, comme au fourneau, de suivre toutes les étapes de fabrication du produit, le toucher. «On bricolait le son, il y avait encore des bandes; je me suis dit, c’est pour moi!» Il anime notamment l’émission gastronomique Carte sur table. De fil en aiguille, le voilà à la rédaction de la Radio suisse romande, d’abord à Genève, puis à la rédaction centrale à Lausanne en 2001. Journaliste à l’actualité à la RTS, il devient aussi chroniqueur culinaire – Le goût des autres – et rédige une page cuisine à La Gruyère à chaque saison.

Bio express

Privé

Né le 26.1.1970 à Fribourg. Il habite depuis 2010 à Bulle. Marié à Maryse, il a trois filles.

Formation

Dès 76, école à Broc, puis collège à Bulle et université à Fribourg en littérature. Dès 93, collabore à La Gruyère. En 95, stage RP à Radio Lac.

Profession

Journaliste à l’actualité radio de la RTS. De 95 à 99, anime une émission gourmande sur Radio Lac (GE). Ecrit des pages cuisine à La Gruyère et anime une chronique culinaire hebdomadaire sur RTS la 1re. En octobre 2022, publie L’eau à la bouche.


Ainsi s’allient ses deux passions. Leur fil rouge? La curiosité: «Je suis toujours curieux de ce que je ne connais pas.» Le jeune Pierre-Etienne se montre ainsi un audacieux gourmet. Les talents de cuisinière de sa mère y contribuent. «J’ai toujours été ouvert à ce que l’on me proposait à table, je voulais goûter à tout!» se souvient-il. A 10 ans déjà, quand la famille part en vacances dans le sud de la France, il commande des plats inconnus, découvrant «les richesses de produits tels la quenelle de brochet», qui occupe une place d’honneur dans son livre. C’est aussi à cette occasion que son père cuisine la ratatouille, dont Pierre-Etienne reprendra la recette, ajoutant «sa patte», comme il se plaît à le faire pour ses chroniques.

Un déclic sur le tard

Le gastronome n’est cependant arrivé à la pratique qu’à 19 ans. Le déclic survient au service militaire. Seul le week-end, il doit se débrouiller: «Je ne savais pas cuire des pâtes! Je n’avais appris que deux plats de ma mère: la mayonnaise du vendredi, jour du poisson. Et le caramel, cuit à la buanderie sur un réchaud!» Mais il se prend au jeu, se «met au piano et à la batterie». Puis affûte ce talent au camp de ski de Fribourg dans les années 1990. De moniteur de ski de fond, il se mue en cuisinier pour 180 convives, avec cinq autres cuisiniers amateurs éclairés.

Témoin de cette passion, sa mère lui offre un cours chez le chef Christian Roth. Une révélation. Il y apprend les bases et, dévorant les livres culinaires, se passionne pour «la bande à Bocuse, des bosseurs qui ont su remettre le cuisinier sur le devant de la scène!», pour leur histoire, celle des plats typiques, des produits locaux. De 1995 à 2000, il instaure l’Auberge du dimanche soir à Genève, concoctant entre expatriés fribourgeois des plats uniques, en s’inspirant d’un livre sur les cuisines régionales de France. En parallèle, il se lance avec un ami sur les routes de cette région, pour en dénicher et apprêter les spécialités.

«Je suis toujours curieux de ce que je ne connais pas.»
Pierre-Etienne Joye


Il aime la cuisine qui lui ressemble, sans chichi, «celle de bistro, où l’on se sent à l’aise, qui raconte des histoires et procure des émotions gustatives». Emotions qu’il aime restituer, transmettre: Son livre met à l’honneur des plats «authentiques, du terroir, telle la blanquette, que l’on peut ancrer dans notre contexte régional. Quelle est leur origine, leur évolution? Cela dit quelque chose de notre société! L’histoire de la cuisine recoupe la grande.»

Lui? Il navigue à contre-courant, peu intéressé par les tendances nutritionnelles actuelles et friand de viande rouge. Mais il en rejoint une: la lutte contre le gaspillage. Il «mange tout d’une bête ou d’un légume, omnivore pour se faire et faire plaisir». Et, taquin, se remémore les soirées «Abats» où ses amis et lui mangent tout de l’animal, sur un tube du groupe Abba.

Son livre paru, il s’attelle désormais à renouveler ses chroniques culinaires. Avec une pointe d’appréhension pour ce grand enthousiaste parfois en proie à des moments de doute. Pour trouver l’inspiration, il peut compter sur la randonnée, qui lui libère l’esprit, ou sur les voyages en famille, sa ressource…

 

La semaine de l’invité


La phrase que vous ne voulez pas entendre un lundi matin?


«Zut, il n’y a plus d’eau chaude!» Notre boiler est capricieux.
 

Avec qui ne voudriez-vous surtout pas passer votre mardi?


Avec le gars qui m’a vendu des skis de fond totalement désuets, des années 90, avec des fixations inadaptées!
 

Quelle est l’odeur de vos mercredis après-midi fériés d’enfance?


Les mercredis n’étaient pas fériés à Broc dans mon enfance. Mais les effluves de la chocolaterie nous parvenaient… Parfois presque trop!
 

Avec qui partageriez-vous l’apéro du «jeudredi»?
 

Avec mon grand-père paternel, que je n’ai pas connu mais qui, comme moi, paraît-il, adorait la crème de marrons.
 

C’est vendredi, où partiriez-vous en week-end prolongé?


Sans limite de budget? Dans un palace d’une ville inconnue, pour la découvrir ensuite à pied! C’est le meilleur moyen, sans compter les kilomètres…
 

La petite folie que vous n’avez jamais osé tenter un samedi?
 

Retenter le sommet de la Dent-de-Broc! Sujet au vertige, j’avais dû m’arrêter juste avant…
 

A quoi ressembleront vos dimanches de nonagénaire?


A manger de la salade de dent-de-lion, les feuilles, en soupe… ou par la racine! NR

Articles les plus lus
Dans la même rubrique
La Liberté - Bd de Pérolles 42 / 1700 Fribourg
Tél: +41 26 426 44 11