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«Hé les gars… et les filles»

Le jeu vidéo, un bastion masculin? Le milieu évolue, mais lentement

Les femmes sont de plus en plus visibles dans les jeux vidéo en ligne. © Héloïse Hess
Les femmes sont de plus en plus visibles dans les jeux vidéo en ligne. © Héloïse Hess

Nastasia Jeanneret

Publié le 19.04.2021

Temps de lecture estimé : 2 minutes

Société » Si le nombre de femmes jouant aux jeux vidéo en ligne est toujours plus important, ces milieux sont encore largement considérés comme des espaces masculins. Ainsi, une joueuse identifiée comme femme passera rarement inaperçue. Les réactions sont souvent positives mais la drague et les insultes continuent d’exister.

Axenia, 25 ans, a fait sa scolarité dans le canton de Fribourg et joue en ligne depuis une dizaine d’années, notamment à League of Legends. Elle dit s’être sentie plutôt privilégiée lorsqu’elle a commencé à jouer, et se rappelle avoir plusieurs fois reçu des skins – de nouvelles apparences pour son personnage – de la part d’autres joueurs. Mais ces cadeaux s’accompagnaient souvent d’une forme de drague: «En tant que fille, on recevait beaucoup de cadeaux. Avec le recul je me suis rendu compte que derrière il y avait une intention, du style «allez viens, on va se boire un verre».

Chercheur en sciences sociales spécialisé dans les jeux vidéo en ligne et les études de genre, Aurélien Petzold affirme que les femmes sont régulièrement confrontées à des tentatives de flirt lorsqu’elles allument leurs micros dans des groupes d’inconnus. Selon lui, c’est la multiplication de ces situations qui est problématique: «En tant que joueuse, on peut vite être submergée. Pour un homme, ce n’est peut-être rien, mais pour elle, si la moitié des joueurs lui lancent un «salut» juste après qu’elle a parlé, ce n’est pas anodin.»

Cette attention particulière accordée aux femmes est parfois ressentie comme un excès de zèle. Valentine, 26 ans, qui joue à World of Warcraft depuis une année, raconte que l’un de ses amis a cherché à lui éviter de potentiels ennuis: «Ça arrive souvent que des gens que tu ne connais pas parlent de toi au masculin. Mais l’autre fois, mon bon pote l’a fait aussi, prétendument pour qu’on ne m’embête pas. C’était une sorte de pseudo-protection, comme si j’avais besoin d’être protégée.»

Reflets de la société

Aurélien Petzold estime que le sexisme n’est pas plus présent dans les jeux en ligne qu’ailleurs: «Les personnes que j’ai rencontrées n’étaient ni plus sexistes, ni plus exposées au sexisme qu’elles ne l’étaient à d’autres moments de leur vie. Mais comme les jeux vidéo restent des espaces très masculins, certains hommes se permettent des choses qu’ils ne se permettraient pas s’ils étaient en mixité.»

Les critiques et insultes liées au genre existent donc, mais Axenia et Valentine préfèrent souligner leur bonne intégration et remarquent les apports liés à leur présence. Valentine est la seule femme dans son équipe et son arrivée a contribué à faire évoluer les habitudes: «Maintenant, dès qu’il y a un appel, c’est toujours «hé les gars… et les filles»! C’est une petite adaptation du fait que je sois là», sourit-elle.

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