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Le discours du président

Comment le suisse allemand est-il utilisé dans les arts ou les médias? Focus sur la politique

Tania Buri

Publié le 13.01.2021

Temps de lecture estimé : 4 minutes

Schwyzerdütsch (2/4) » Les journalistes Alain Croubalian de l’émission Vacarme sur la RTS et Tania Buri de Keystone-ATS décortiquent l’utilisation du suisse allemand dans différents univers artistiques, médiatiques et politiques. Cette semaine, la politique.

«Aussi vite que possible, aussi lentement que nécessaire»: cette phrase d’Alain Berset aura marqué la première pandémie. «Non ce n’est pas moi qui l’ai écrite, elle est vraiment d’Alain Berset», a expliqué Peter Lauener, auteur des discours en allemand du conseiller fédéral fribourgeois. Devant les médias, les politiciens alémaniques sont souvent priés de faire la même déclaration dans les deux langues, l’allemand et le suisse allemand. Peter Lauener poursuit avec une anecdote. «Quand Urs Schwaller était candidat au Conseil fédéral, nous nous sommes demandé s’il fallait le considérer comme un Romand ou un Alémanique. Et là un comédien a fait la plaisanterie: «On devrait lui taper sur les doigts avec un marteau. Et on verra dans quelle langue il jurera», sourit le responsable de la communication au Département fédéral de l’Intérieur (DFI).

Pour lui, les Alémaniques jouent dès l’enfance avec les deux langues. «Si vous allez dans les rues et que vous regardez des petits enfants de 4 à 5 ans en train de s’amuser, on les voit jouer à parler le bon allemand. On grandit avec le bon allemand. Et aussi dans les journaux, dans les émissions, on entend le bon allemand.» Mais le Hochdeutsch parlé en Suisse n’est pas tout à fait la même langue que celle parlée en Allemagne. Il poursuit: «J’ai travaillé pour l’ATS, l’agence télégraphique suisse, et quand on recevait des dépêches de l’agence de presse allemande DPA ou autrichienne APA, on devait traduire «entre guillemets» les dépêches dans le bon allemand «suisse». Par exemple, le Gehsteig, c’est le Trottoir, ou on dit Spital plutôt que Krankenhaus, des choses comme ça.»

Un plus indéniable

Dans la Berne fédérale, sous la Coupole du Palais, seul le bon allemand est admis pour les débats au Parlement et dans les commissions. Ainsi lorsque les élus et les conseillers fédéraux prennent la parole en public, ils s’expriment en «allemand standard». Les politiciens romands, une fois élus à Berne, n’échappent pas à la nécessité de se remettre à niveau en allemand. A celle-ci s’ajoute la question du schwyzerdütsch.

Pour la conseillère nationale genevoise et verte Delphine Klopfenstein Broggini, à Berne depuis décembre 2019, comprendre le suisse allemand est un plus indéniable, même si on ne le parle pas: «Je dirais que le suisse allemand reste la langue de la grande majorité de la Suisse. Donc c’est une langue, qui est parlée, qui est vivante, de fait qui existe sous la Coupole.» En tant que Romande, elle tient à ce principe «pour revendiquer ma francophonie et défendre notre minorité: nous parlons français, nous autres francophones, mais le fait de comprendre l'allemand, c'est essentiel parce que 80% des débats et des discussions se font en allemand, voire en suisse allemand quand on est en off.»

Quel dialecte choisir?

Il semble pourtant impossible aux Romands d'apprendre le suisse allemand. «On peut l’apprendre à condition de s’immerger. Je pense que c’est une langue qui est accessible, très vivante. Mais c’est vrai que c’est une langue de l’intimité. Donc pour réussir, il faut passer un certain temps en proximité», souligne la Genevoise.

Autre Genevois, mais d’un parti différent, le conseiller national PDC Vincent Maître estime que le suisse allemand n’est pas indispensable pour faire de la politique: «Je pense que c’est un immense facilitateur, c’est sûr, cela simplifie bien entendu les négociations. Mais quand on est dans les couloirs ou les coursives, et que l’on se trouve par hasard le seul Romand dans un groupe de Suisses alémaniques, celui-ci va se mettre à parler en Hochdeutsch. C’est assez bien respecté en réalité.»

Pour Emmanuelle Brossin, porte-parole du DFI, quand on est Romand à Berne dans l’Administration fédérale, il ne faut pas parler suisse allemand, mais c’est important de pouvoir le comprendre. «Je trouve que c’est un message pour les écoles romandes qui devraient se préoccuper de sensibiliser les petits Romands au suisse allemand. Car oui, il y a une énorme frustration quand après cinq, six, sept ans d’allemand, on ne comprend pas ce qui se passe quand on arrive en Suisse alémanique. On nous répond toujours que ce n’est pas possible parce qu’il y a des dialectes différents, mais à la fin il faudrait en choisir un.» ATS

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