La Liberté

Près de 300 heures par instrument

La fabrication de violons exige non seulement du doigté, mais aussi une bonne dose de passion

Tania Buri

Publié le 27.12.2022

Temps de lecture estimé : 4 minutes

Musique » Dans l’atelier au premier étage de la rue Neuve à Lausanne, on ne répare pas seulement des instruments, on en fabrique aussi. Avec deux jeunes luthiers, Mathias Walz et Matthieu Lemeur, John-Eric Traelnes en crée deux à trois par année.

Les trois mois de fermeture due au Covid ont permis à John-Eric Traelnes de fabriquer deux violons dans un atelier vide car il a mis tout son personnel à l’arrêt.

Calme nécessaire

D’habitude, quand le maître luthier veut construire un instrument, il se réfugie dans des ateliers de collègues pour pouvoir travailler en paix. Cela lui a pris deux fois un mois et demi – on compte 300 heures de travail par violon: «Ce qui est long, c’est le séchage du vernis.» Les pièces de l’instrument tiennent ensemble grâce à de la colle. La technique pour fabriquer un violon est la même que celle pratiquée aux XVIe et XVIIe siècles. La colle utilisée est également identique: il s’agit de colles animales qui contiennent du collagène, on parle de colles de peau, d’os et de poisson. «Elles continuent de mieux remplir leur fonction que les colles actuelles, trop fortes: ces dernières rendent l’ouverture d’un instrument quasi impossible, lorsqu’on a besoin de le réparer.»

Avec les colles animales, le bois peut vibrer ou bouger selon les changements de température et les niveaux d’humidité. Autrement, le bois se fissurerait. Si les techniques de fabrication n’ont pas évolué, à l’inverse, celles de restauration ont complètement changé. «Prenez par exemple un dos d’instrument mangé par les cirons. Avant, pour renforcer cette zone, on devait enlever beaucoup de bois d’origine et le remplacer par du bois neuf. Maintenant, on peut dégager les canaux tracés dans le bois par ces insectes, les scanner et reproduire une pièce «positive» avec une fraiseuse numérique. Cette pièce s’encastre parfaitement.»

John-Eric Traelnes a eu la chance de vendre tout de suite un des instruments qu’il a fabriqués pendant la pandémie. Il n’a aucune difficulté à s’en séparer: «Je ne supporte pas de le voir chez moi. Il faut qu’il soit entre les mains d’un musicien.»

Créer un instrument, c’est son hobby et son plaisir, même si l’atelier est bombardé de demandes de réparation. «Actuellement, ce n’est pas cette activité qui fait tourner financièrement l’atelier», souligne toutefois le professionnel, âgé de 60 ans. Côté réparation et entretien des instruments, son épouse, la violoniste Camille Stoll, vient prêter main-forte à l’atelier.

Violons modernes

L’activité de l’atelier se divise entre la vente (achat et estimation), la réparation (réglage) et la location. Au fil du temps, cette dernière a pris de l’ampleur et l’atelier compte plus de 500 instruments loués. Attaché à la création de nouveaux instruments, John-Eric Traelnes a lancé avec quelques collègues l’association Strings Attached .

«L’idée de cette association, c’est le partage des connaissances dans un milieu où de nombreux luthiers travaillent seuls», explique ce passionné. Il constate que les clients recherchent volontiers des instruments anciens: «Souvent à tort. Les instruments modernes de qualité peuvent aussi avoir un très beau son, même pour des solistes», estime-t-il.Comme un instrument ancien ne perd pas de valeur, on ne parle pas d’un violon d’occasion: «J’ai des violons qui ont 100, 200 ans ou même plus».

Evoquant les Stradivarius, les violons italiens les plus cotés, près de 500 d’entre eux sont toujours en circulation sur les près de 1000 que Stadivari – né en 1644 à Crémone et mort à 93 ans – a fabriqués. Le prix peut grimper jusqu’à 15 millions de francs. Avec les instruments anciens, l’enjeu est d’en connaître l’origine. Sans validation, la valeur d’un instrument est moindre, même si celle-ci peut atteindre jusqu’à 20 000 ou 30 000 francs.

C’est là que les experts entrent en jeu. John-Eric Traelnes a accès à leur réseau via l’Entente internationale des maîtres luthiers et archetiers d’art, dont il fait partie.

ATS

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