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Réparer plutôt que jeter

De nombreux objets ne sont pas réparables, déplorent Greenpeace et la FRC. Cela pourrait changer

Une initiative parlementaire sur l’économie circulaire, actuellement en consultation, pourrait poser des exigences quant à la durabilité des produits. © Archives-Keystone
Une initiative parlementaire sur l’économie circulaire, actuellement en consultation, pourrait poser des exigences quant à la durabilité des produits. © Archives-Keystone

Sevan Pearson

Publié le 28.12.2021

Temps de lecture estimé : 5 minutes

Environnement » «Souvent, il est meilleur marché de racheter un bien que de le réparer.» A l’heure des cadeaux de Noël, ce constat de Florian Kasser, expert Zéro déchet chez Greenpeace Suisse, est très actuel. De nombreux objets placés sous le sapin ne sont en effet pas réparables, ce qui constitue, aux yeux du spécialiste, «une absurdité environnementale».

Pour Florian Kasser, trois obstacles principaux se dressent sur la route des réparations, même lorsque la motivation est là: les coûts, le procédé de fabrication et la commodité. «Les objets sont souvent conçus de telle sorte qu’ils ne sont pas réparables. Les éléments sont collés ou assemblés à l’aide de vis très spéciales», illustre le responsable. «Il arrive aussi que les pièces de rechange ne soient plus disponibles. Enfin, il est souvent plus confortable et facile de se procurer un nouveau bien en magasin ou en ligne que d’organiser une réparation, avec tout ce que cela peut impliquer: demande de devis, déplacements, etc.»

Trois principes généraux

La recette de Greenpeace pour garantir un droit à la réparation? «Impliquer non seulement les décideurs politiques, mais également les producteurs, les distributeurs et les consommateurs», répond Florian Kasser. Selon lui, trois principes généraux sont nécessaires: mettre sur le marché des objets réparables, rendre possibles les réparations et développer la culture du réparable, de sorte que réparer un objet soit la norme et son remplacement l’exception.

«Cet instrument permettrait un choix éclairé de la part des consommateurs»
Laurianne Altwegg

Les choses commencent cependant à bouger. La Fédération romande des consommateurs (FRC) propose l’introduction d’un indice de réparabilité, à l’image de ce qu’a déjà fait la France. «Cet instrument permettrait un choix éclairé de la part des consommateurs qui ne peuvent actuellement pas comparer les produits sur la base de leur réparabilité», soutient Laurianne Altwegg, responsable Agriculture, énergie et environnement à la FRC. «D’autre part, il pourrait pousser les fabricants à mieux concevoir leurs appareils, à l’image du Nutri-Score qui a mené à l’amélioration des recettes de certains fabricants d’aliments transformés qui étaient mal notés.»

Parmi les pistes envisagées par la FRC: la possibilité de démonter les objets afin d’en remplacer les pièces usées, prolonger la durée des garanties et développer les sites de réparation à prix abordable.

Economie circulaire

A Berne, une initiative parlementaire sur l’économie circulaire est en consultation. Dans ce texte, plusieurs points sont en discussion. Selon la conseillère nationale Delphine Klopfenstein Broggini (verts, GE), «le Conseil fédéral pourrait désormais poser des exigences à la mise sur le marché de produits». Cela concernerait la durée de vie et la réparabilité des objets, la limitation des atteintes à l’environnement, l’amélioration de l’efficacité dans l’utilisation des ressources et l’étiquetage. «C’est une belle avancée et une très bonne chose de l’inscrire dans la loi», juge l’élue qui espère que ces dispositions deviendront contraignantes.

«le Conseil fédéral pourrait désormais poser des exigences à la mise sur le marché de produits»
Delphine Klopfenstein Broggini

Tout le monde n’est cependant pas d’accord avec cette vision des choses. «L’UDC a participé à l’élaboration du projet d’économie circulaire et est favorable à ses principes de base», explique le conseiller national Pierre-André Page (FR). «Il y a cependant plusieurs points que notre parti critique. Introduire en Suisse un indice de réparabilité n’incombe pas à l’Etat. Cela accroîtrait sa charge administrative et constituerait un label de plus, alors qu’ils sont déjà nombreux», juge Pierre-André Page. De même, prolonger la garantie «n’est pas une solution réaliste. D’une part, le consommateur n’est souvent pas prêt à payer davantage pour des objets de qualité qui durent plus longtemps. D’autre part, il ne recourt pas souvent à son droit de garantie.»

En outre, pour le député fribourgeois, «même si c’est une bonne idée, obliger les fabricants à rendre leurs objets réparables n’est pas très réaliste, sachant que la majorité des biens achetés en Suisse est importée. Une telle obligation légale ne s’appliquerait qu’aux entreprises helvétiques, ce qui renchérirait leurs produits. Il faudrait une disposition plus globale, au moins au niveau du continent européen», suggère l’élu.

Quant à la FRC, elle proposera durant la phase de consultation notamment «le renforcement de certaines dispositions dans le but de soutenir davantage le développement de la réutilisation et les freins à la mise sur le marché d’objets prêts-à-jeter», annonce Laurianne Altwegg.
L’initiative parlementaire devrait être soumise au plénum à la session de juin ou de septembre 2022. »

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