J’en ai les yeux écarquillés. Sorti de la bretelle d’autoroute bulloise, j’ai découvert un biotope d’une diversité fantasmagorique. Quel plaisir de savoir que les Exécutifs gruériens sont désormais sensibles au mitage du territoire!

Ils ont sans doute passé du temps à écouter Ernst Zürcher, Francis Hallé ou autre Sylvain Tesson qui promeuvent la création de forêts primaires. Les confinements successifs les ont peut-être ramenés en forêt ou autour du lac de la Gruyère, le long du fabuleux sentier qui serpente ce réservoir à ciel ouvert.

Autre hypothèse: peut-être ont-ils croisé, au détour de la Grand-Rue, un perché du Parc naturel régional qui leur a expliqué que la beauté d’un territoire réside dans la symbiose entre nature et culture.

Trêve de fabulation. Ma myopie a généré ce scénario utopique. Mon regard critique me ramène à la réalité dystopique de cette région périurbaine. Ce ne seront pas de jeunes frênes ni des chênes pédonculés qui pousseront là-bas. Ce n’est plus la saison, mais c’est bel et bien une ribambelle de villas champignons que vous verrez s’ériger. Biotope certes rentable, mais qui n’apportera aucune biodiversité.

Les relations de voisinage se cantonneront à l’élévation d’une frontière étanche, la fameuse haie de laurelles, par ailleurs exotique et envahissante, qui altère le développement des espèces indigènes. La boucle est bouclée.

Rassurez-vous, chacun aura son bout de gazon stérile qu’il pourra tailler le dimanche avec sa tondeuse à gazon solaire et silencieuse. Vive l’individualisme écolo! Ça se vend très bien!

Anthony Deillon, architecte, Sion (VS)