Chronique: Nous, la génération qui remplace
Angélique Eggenschwiler
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J’ai le cœur serré quand j’achète des pattes à vaisselle. Un sécateur, une nouvelle passoire ou, pire, une paire de ciseaux. L’impression de profaner quelque chose, de rompre le fil ténu qui nous relie, elles et moi, générations de pouces écorchés sur des manches de ciseaux dénudés. Un fil tendu comme une corde à linge à laquelle sont suspendues des milliers de pattes à vaisselle jetables consciencieusement bouillies, pliées, repassées. J’ai grandi dans ce monde-là. Un monde où les choses durent.
Vous l’avez certainement connu, ce monde fait de bocaux qui trempent et d’étiquettes qui résistent; un monde où l’on recycle les boîtes à chaussures en découpant les bouts de cartons pour faire des listes de courses. Il y a, dans le tiroir gauche de ce monde-là, un vieux tupperware sans couvercle qui contient des élastiques usés, on y récupère les feuilles d’aluminium, les bouteilles pour la goutte et les pelures d’oignon pour les œufs de Pâques.
Ici, les choses ne disparaissent