La Liberté

Deuxième couronne pour Vingegaard

Comme en 2022, le Danois a enlevé le classement général du Tour de France. Domination sans partage

Publié le 24.07.2023

Temps de lecture estimé : 8 minutes

Tour de France » Jonas Vingegaard a remporté son deuxième Tour de France consécutif. Le Danois a cueilli lors de cette 110e édition une victoire indiscutable d’abord rythmée par son duel acharné avec Tadej Pogacar, puis écrasée par sa toute-puissance. Comme l’année dernière, le Danois de 26 ans s’impose devant son rival slovène, avec une marge confortable de 7’29’’ secondes, plus large écart depuis 2014. Le Britannique Adam Yates complète le podium.

Le leader de l’équipe Jumbo-Visma, qui avait fait la différence dans les Alpes en début de semaine, a pu savourer son triomphe lors de la traditionnelle parade de la 21e et dernière étape. Après avoir trinqué avec ces équipiers à la tête d’un peloton au ralenti, il a pu assister, sans vraiment trembler vu son énorme avance au classement général, à une ultime offensive sur les Champs-Elysées de… Pogacar.

Incorrigible attaquant

Sous un ciel gris et bas, le Slovène, incorrigible attaquant, a passé une douzaine de kilomètres en tête sur les pavés, avant de rentrer dans les rangs pour de bon. Les équipes de sprinters ont alors pu se mettre en marche pour propulser leur homme le plus rapide vers un succès de prestige sur la plus belle avenue du monde. Et c’est le Belge Jordi Meeus qui a signé le plus grand succès de sa carrière en surprenant son compatriote, le maillot vert Jasper Philipsen, ultradominateur depuis le début de la Grande Boucle, à la photo finish. Jonas Vingegaard a franchi la ligne quelques mètres derrière, après avoir dominé le Tour 2023 avec une autorité qui tranche avec sa silhouette fluette et son caractère timide.

A 26 ans, l’ancien employé sur un marché de poisson s’est affirmé, mis en confiance par sa victoire de l’an dernier. Même s’il reste un homme et un coureur foncièrement discret qui fuit la lumière et les mondanités. Mais sur le bitume, le Danois a mis tout le monde d’accord dans un Tour de France extrêmement dur, tant par le profil du parcours que par la vitesse avec laquelle le peloton l’a avalé. Les deux premières semaines ont été aussi passionnantes que trompeuses. Dès la première étape à Bilbao, les deux favoris se sont engagés dans un bras de fer qui a longtemps été tellement serré qu’on pensait à un moment qu’il allait se régler dans l’octogone des Champs-Elysées.

Fracture au poignet

Les deux hommes se sont rendu coup pour coup. Vingegaard a remporté la première manche à Marie-Blanque. Pogacar la deuxième à Cauterets-Cambasque, suivis de quelques matches nuls mémorables, dans le Puy de Dôme, dans le Grand Colombier ou à Morzine, entre deux champions qu’on appelait alors «les inséparables». Et puis non. Epuisé après une préparation tronquée à cause de sa fracture au poignet fin avril, Pogacar a rendu les armes en deux temps. Lors du chrono de Combloux mardi. Puis le lendemain dans l’étape reine vers Courchevel, où le Slovène a connu la pire défaillance de sa vie, résumée par ces quelques mots: «I’m gone, I’m dead» («J’ai lâché, je suis mort»).

L’intensité du duel a alors laissé place au temps du soupçon lorsque Vingegaard a dû répondre tous les jours à des questions concernant le dopage, ressurgies sans aucun élément tangible mais inévitables dans un sport longtemps gangréné par les affaires. «Je ne prends rien que je ne donnerais pas à ma fille» de deux ans, a assuré le Danois, le patron de son équipe, Richard Plugge, ajoutant même que son coureur rechignait à prendre «du paracétamol».

Un doublé en vue

Pour expliquer la domination de son champion, Plugge a renvoyé à la fois aux supposées insuffisances de la concurrence, en l’occurrence les coureurs de l’équipe Groupama-FDJ qui boiraient «des grandes bières» pendant les journées de repos, ce que le manager français Marc Madiot a démenti avec véhémence. Mais aussi à la perfection de leurs propres méthodes en matière de nutrition, d’entraînement, de matériel, etc. «Je ne suis pas beaucoup plus fort que l’an dernier mais j’ai continué à progresser et je n’ai connu, contrairement à 2022, aucun problème de santé pendant le printemps», a insisté Vingegaard.

Son triomphe consacre la victoire d’une stratégie entièrement axée sur le Tour, avec de longs stages en altitude et le Critérium du Dauphiné comme unique tremplin, pendant que Pogacar ferraillait sur les fronts des classiques italiennes et belges. «J’aime courir sur tous les terrains. Cela correspond à ce que je suis», a expliqué le Slovène, qui réfléchit à «de nouveaux défis» pour l’année prochaine. Mais Vingegaard aussi a l’air de vouloir tenter de nouvelles expériences. Dans la matinée, il a annoncé sa participation à la Vuelta fin août pour tenter un doublé avec le Tour de France/Tour d’Espagne qui n’a plus été réalisé depuis Christopher Froome en 2017. ats


Commentaire

Une question de crédulité

Jonas Vingegaard a remporté hier son deuxième Tour de France d’affilée. En reléguant son plus proche poursuivant Tadej Pogacar à plus de 7 minutes, le Danois n’a pas fait les choses à moitié. Depuis 25 ans et l’affaire Festina, le cyclisme n’a pas le droit aux mêmes égards que les autres sports, alors forcément, pareille domination fait naître des soupçons.

A l’aise en montagne, où il a établi plusieurs nouveaux records d’ascension que beaucoup pensaient imbattables – car établis lors du règne pour le moins trouble de Lance Armstrong –, le Danois a assommé la concurrence et le Tour mardi passé lors du contre-la-montre entre Passy et Combloux. Une performance hors norme que personne n’a pu analyser. Comment expliquer qu’un coureur, aussi bon soit-il, roule à plus de 41 km/h de moyenne, soit 4 km/h plus vite que tous les autres, exception faite de Pogacar, qui n’a pédalé «qu’à 39 km/h» sur ce chrono?

Questionné sur le sujet, le désormais double vainqueur du Tour de France n’a pas su écarter les doutes. Pire, en avouant qu’il a cru que son capteur de puissance était… cassé (sic), le Danois a renforcé l’idée que quelque chose clochait. Mais quoi?

Même son coéquipier Wout van Aert, spécialiste du contre-la-montre relégué à près de 3 minutes du vainqueur sur ce chrono hallucinant, n’a pas compris. «Je suis le meilleur des gens normaux. Les deux sont beaucoup-beaucoup-beaucoup mieux que les autres.» Cet aveu d’impuissance du Belge, qui n’est pourtant pas le cycliste le moins impressionnant du peloton, interpelle.

Sereins, Jonas Vingegaard et son équipe assurent qu’ils sont propres. Le Danois allant même jusqu’à dire qu’il «ne prendrait jamais rien qu’il ne donnerait pas à sa fille de deux ans». Le directeur du Tour de France, Christian Prudhomme, le soutient. Selon lui, les tests antidopage négatifs et indépendants, les progrès technologiques et la meilleure hygiène de vie des coureurs expliquent le pourquoi du comment.

Au final, dans le vélo comme dans la vie, tout est question de crédulité. Ou d’incrédulité. Quand on ne sait pas. Quand on ne comprend pas. Qui croire? François Rossier


Kopecky d’entrée

Lotte Kopecky a remporté la première étape du Tour de France féminin, hier, à Clermont-Ferrand. La Belge a ainsi endossé le premier maillot jaune de l’épreuve. Coéquipière de Marlen Reusser dans la puissante Team SD Worx, Lotte Kopecky a attaqué peu avant le sommet de la seule difficulté du jour, la côte de Durtol, située à 9 km de la ligne. Elle s’est imposée avec 41 secondes d’avance sur sa coéquipière néerlandaise Lorena Wiebes, qui a réglé le sprint des poursuivantes. Marlen Reusser, qui a beaucoup travaillé pour étirer le peloton à l’approche de la côte de Durtol, a terminé au 22e rang de l’étape à 43 secondes de Lotte Kopecky. Meilleure Suissesse dimanche à l’arrivée, la Genevoise Elise Chabbey s’est classée 16e, dans le même temps que la lauréate du dernier Tour de Suisse. ats

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