La Liberté

Julien Sprunger: «Il y a des chances que cette saison soit la dernière»

Pat Emond, retraite, rôle dans l’équipe: l’attaquant de 38 ans se confie à quelques heures d’entamer son 22e exercice sous les couleurs de Fribourg-Gottéron.

Julien Sprunger, qui s’est entraîné avec Christoph Bertschy et Jacob de la Rose cette semaine, est prêt à accepter n’importe quel rôle. © Charles Ellena
Julien Sprunger, qui s’est entraîné avec Christoph Bertschy et Jacob de la Rose cette semaine, est prêt à accepter n’importe quel rôle. © Charles Ellena

Pierre Schouwey

Publié le 04.09.2024

Temps de lecture estimé : 7 minutes

Julien Sprunger, saison 22, épisode un. Ce jeudi soir contre les Anglais de Sheffield, premier adversaire de Fribourg-Gottéron en Ligue des champions, l’emblématique capitaine des Dragons adoubera le onzième entraîneur en chef de son incomparable carrière. Le neuvième de nationalité canadienne après Colin Müller, Mike McParland, Serge Pelletier, René Matte, Hans Kossmann, Larry Hurras, Mark French et Christian Dubé.

Reste à savoir si Pat Emond, qu’il connaît déjà mais pas dans ce rôle-là, sera le dernier à diriger l’attaquant aux 1051 matches, 383 buts et 383 assists. Probablement, même si, à 38 ans et 8 mois, le quatrième plus vieux joueur de National League derrière Andres Ambühl, Marc-Antoine Pouliot et Ryan Gunderson assure ne pas avoir tranché. Qu’attendre du vétéran au No86, qui a de son propre aveu connu «un trou» l’hiver passé, et de Gottéron en général? Réponses avec le principal intéressé.

Dites-nous avant que le public ne le découvre de ses propres yeux: qu’est-ce qui a changé à Gottéron?

Julien Sprunger: Pat a une approche différente, une manière de travailler différente. Il n’a pas voulu tout révolutionner parce que le groupe vit bien et qu’il y a des choses qui fonctionnaient très bien. Mais forcément, quand tu débarques comme coach principal, tu as envie d’imprimer ta patte.

A quoi ressemble-t-elle?

Tout est un petit peu plus structuré. On regarde plus de vidéos, il y a plus d’analyses. Les journées sont séparées par thèmes, on sait déjà à l’avance que telle semaine, on travaillera ceci ou cela. Christian était plus dans la gestion de l’humain et des lignes tandis que Pavel (Rosa, son assistant, ndlr) prenait en charge le volet tactique. Un domaine dans lequel Pat s’investit aussi. Mais je n’aimerais pas être dans la comparaison systématique.

Est-il possible de créer une nouvelle dynamique en prenant les mêmes acteurs?

Quand même. Si l’effectif n’a pratiquement pas bougé, il y a un nouveau discours, de nouvelles idées, de nouvelles indications contre les murs du vestiaire. Bref, de la nouveauté.

Au niveau du système également?

Il y a deux ou trois adaptations. Tu as l’impression que ce n’est pas grand-chose et en même temps, le moindre changement tactique prend des airs de révolution quand tu as évolué sous les ordres du même coach durant près de cinq ans. Il va certainement falloir un temps d’adaptation. Mais à condition que tout le monde joue le jeu, la mayonnaise peut prendre rapidement.

Faire aussi bien que la dernière saison régulière, bouclée à la deuxième place, c’est possible?

Ça s’annonce compliqué. La seule solution serait de finir premier et champion de Suisse. Même si on se sait attendus au tournant, ce d’autant plus avec le choix radical effectué au début de l’été, je crois qu’il faut voir plus largement. L’idée derrière le changement d’entraîneur va au-delà des résultats. On veut instaurer une nouvelle culture et entamer un nouveau cycle à l’échelle du club. L’envie d’être champions est là, c’est indéniable, mais notre priorité est d’arriver en forme au moment des play-off.

On devine que c’est l’un des enseignements de l’exercice précédent…

Avec un Berra en pleine forme, un duo Sörensen/Wallmark qui a marché sur l’eau et très peu de blessures, les planètes étaient alignées en saison régulière. Nous n’avons hélas pas réussi à transposer ça en play-off. Le chiffre est là: nous n’avons gagné qu’un match de demi-finale ces dernières années (depuis 2014, ndlr). Finir sur le podium n’a pas énormément de valeur si c’est pour crever au poteau ensuite. Nous voulons passer à l’étape supérieure.

«Il serait toutefois périlleux de vivre dans l’attente, en se disant que ça n’est pas si grave si on n’y arrive pas cette saison, car un entraîneur extraordinaire arrive dans un an et qu’on aura le temps d’avoir du succès par la suite»
Julien Sprunger

Comment faire pour que cette saison entre la fin de l’ère Christian Dubé et le début de celle de Roger Rönnberg ne soit pas celle de la transition?

C’est la troisième interview que je donne et la troisième fois que le mot «transition» est prononcé. Alors que je crois que la volonté du club est de faire passer le message que ce n’est pas une année de transition (sourire). Cela dit, je comprends totalement qu’on pense cela en posant un regard extérieur sur Gottéron. C’est quand même assez spécial comme situation sachant que le futur est déjà fixé. Il serait toutefois périlleux de vivre dans l’attente, en se disant que ça n’est pas si grave si on n’y arrive pas cette saison, car un entraîneur extraordinaire arrive dans un an et qu’on aura le temps d’avoir du succès par la suite. C’est pourquoi il faudra répéter au quotidien, et à tout le monde, l’importance du moment présent.

D’autant plus quand on est le capitaine et qu’on approche la quarantaine?

Mon avenir! Là encore, ce n’est pas la première fois de l’après-midi que le sujet est abordé (rires). C’est sûr, je me pose la question. Si c’est ma dernière saison, j’ai envie de la vivre à fond. Gagner une des trois compétitions, ça serait exceptionnel. Même la Spengler. Tu mets ton nom sur un des plus grands tournois du monde. Cette saison que tout le monde voit comme celle de la transition nous offre la possibilité de passer dans une dimension supplémentaire. Profitons-en.

De quoi vous permettre de raccrocher sereinement…

J’arrive sur mes 39 ans. Il y a quand même pas mal de chances que cette saison soit la dernière. Sincèrement, je ne sais pas. J’ai peur qu’en me disant dès maintenant que je n’irai pas plus loin, je lève le pied inconsciemment. Admettons que ça se passe super bien en début de championnat… J’aurai peut-être envie de continuer. Cela dépendra aussi du club et de sa stratégie. A quel point veut-il rajeunir? A-t-il besoin d’un ou deux piliers pour encadrer la nouvelle génération? Une chose est sûre: après ce qu’a vécu Andrei, j’aimerais pouvoir choisir quand j’arrête.

Quel sera le rôle de Julien Sprunger sous les ordres de Pat Emond?

Je ne cherche plus à marquer le plus de goals et de points possibles. Je ne suis plus le moteur offensif de l’équipe et je le vis bien. J’aurai certainement toujours mon temps de jeu en power-play. Pour le reste, je suis prêt à tout. Je suis content de mettre mon leadership au profit du groupe, sur et hors glace. Je prends du plaisir à me coucher devant un shoot et à me rendre utile autrement. C’est un héritage d’Andrei. Il a démontré qu’on pouvait changer de rôle sans perdre son état d’esprit. Il n’empêche, je ressens toujours le poids des attentes. Ma réputation me colle un peu à la peau. Marquer 10 buts ne sera jamais assez alors qu’un attaquant suisse qui met 10 buts, c’est souvent synonyme de bonne saison.

«Je suis le premier conscient que je ne suis plus le même qu’à mes 25 ans»
Julien Sprunger

Beaucoup annoncent votre déclin. Comment le vivez-vous?

Je suis le premier conscient que je ne suis plus le même qu’à mes 25 ans. Je ne suis plus capable de faire ce que font les Sörensen, Bertschy, Mottet. Mais mes qualités sont toujours là. Je peux jouer en quatrième ligne, comme je peux évoluer à côté de deux étrangers. Le jour où je sens que je suis un poids pour l’équipe, et qu’on me garde par charité, je m’en rendrai compte.

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