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Pour l’état civil, pas de 3e sexe

La Suisse n’est pas prête pour une inscription non genrée, dit le gouvernement

Renoncer à choisir entre «homme» et «femme»: cette revendication n’est pas prise en compte en Suisse. © Keystone-archives
Renoncer à choisir entre «homme» et «femme»: cette revendication n’est pas prise en compte en Suisse. © Keystone-archives

Nicolas Pache et Delphine Gasche

Publié le 22.12.2022

Temps de lecture estimé : 4 minutes

Conseil fédéral » La Suisse n’est pas prête pour inscrire un troisième sexe dans le registre de l’état civil, estime le Conseil fédéral. C’est ce qu’il a dévoilé mercredi dans un rapport.

Le principe de la binarité des sexes reste profondément ancré dans la société suisse. Les conditions sociales nécessaires à l’instauration d’un troisième sexe ou à l’abandon de la mention du sexe dans le registre de l’état civil ne sont pour l’heure pas réunies, indique le Conseil fédéral en réponse à deux postulats de gauche.

En Suisse, les personnes sont enregistrées dès la naissance dans le registre de l’état civil en tant qu’«homme» ou «femme». Il est interdit de ne pas renseigner le sexe et il n’est pas possible de choisir une autre catégorie de genre.

Autres pratiques

Le gouvernement reconnaît que la binarité des sexes peut poser problème aux personnes qui ne s’identifient pas à l’un des sexes traditionnellement connus. Plusieurs pays ont lancé le débat ces dernières années, et des voix commencent également à se faire entendre en Suisse pour demander l’introduction d’un troisième sexe ou l’abandon de la mention du sexe à l’état civil.

Quelques Etats ont franchi le pas, rappelle le rapport: l’Allemagne et l’Autriche, par exemple, ont introduit, à la suite d’un arrêt de principe de leur Cour constitutionnelle respective, de nouvelles catégories sexuelles ou la possibilité de renoncer à l’enregistrement du sexe. Le Chili a aussi récemment franchi le pas. Cela dit, dans la très grande majorité des législations nationales, aucune démarche dans ce sens n’a pour l’instant été engagée, constate le Conseil fédéral.

Sortir du principe de la binarité nécessiterait de nombreuses adaptations de la Constitution et des lois fédérales et cantonales. Autres conséquences, de nombreux registres devraient être adaptés et les enquêtes statistiques repensées. Une telle réforme devrait donc être planifiée et mise en œuvre avec la plus grande diligence afin d’éviter toute incertitude juridique, lit-on dans le rapport.

Large débat à tenir

De plus, avant d’être une simple notion juridique, la binarité des sexes est d’abord une affaire de société. Le droit doit être à l’écoute de la société, comprendre ce qu’elle est prête à accepter et correspondre au sentiment général de justice, estime le Conseil fédéral. Un large débat social est souhaitable avant tout changement, conclut-il.

La Commission d’éthique dans le domaine de la médecine humaine estime de son côté que la réglementation actuelle n’est pas satisfaisante. Elle ne tient pas suffisamment compte de la diversité des identités de genre et ne prend pas en considération les intérêts fondamentaux des personnes ayant une identité de genre non binaire, ainsi que des personnes transgenres et intersexuées.

Elle constatait dans un rapport de 2020 que, d’un point de vue éthique, la solution à privilégier serait de renoncer à tout enregistrement officiel du sexe. Elle reconnaît toutefois que cette solution nécessiterait un travail considérable d’adaptations législatives et souligne aussi qu’il faudrait d’abord que les «conditions sociales» soient réunies pour le franchissement d’une telle étape.

«Rétrograde»

Les Verts ont fustigé la position du Conseil fédéral comme étant «déraisonnable et rétrograde», peut-on lire dans un communiqué. «Rien ne justifie de refuser aux personnes ne se reconnaissant ni comme femme, ni comme homme, une place légitime et un plein respect dans notre société.» Le parti prévoit de déposer une initiative parlementaire ou une motion afin de rendre un troisième genre possible.

Le Transgender Network Switzerland dénonce, lui, une «position ouvertement discriminante». Selon lui, le gouvernement ne connaît pas la position des citoyens. En effet, en 2021, un sondage de l’institut Sotomo avait montré que 53% de la population soutient une mention pour les personnes non binaires dans les documents officiels.

Epicène condamne une décision prise «pour de mauvaises raisons». «Face à la quantité de travail, le Conseil fédéral préfère renoncer», constate l’association basée à Genève. ATS

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